Critique: Thomas King, Meurtres avec vue


 Couverture

Lévis, Alire (GF), 2021, 347 p.

Un meurtre au Buffalo Mountain Resort

Peu d’éditeurs québécois publient des traductions de polars canadiens, le plus prolifique étant sans doute Alire qui nous a fait découvrir les romans d’Eric Wright, Liz Brady, Rick Mofina, et Wayne Arthurson, avant de nous proposer une nouvelle série prometteuse de Thomas King mettant en scène un personnage pour le moins coloré au nom improbable de Thumps DreadfulWater (avec un W majuscule au milieu, insiste-t-il…).

L’action de Meurtres avec vue se situe dans la ville de Chinook, au Montana et dans la réserve avoisinante. Thumps est un ancien policier hanté par un passé douloureux. Suite à une enquête non résolue ayant culminé avec la mort de certains de ses proches, il a quitté la Californie et son métier de policier pour s’installer comme photographe dans les montagnes du Montana.

Mais il n’a pas pour autant laissé tomber son instinct de flic. C’est pourquoi, dès qu’un cadavre est retrouvé dans une unité vacante d’un nouveau complexe immobilier construit sur la réserve, il va se mêler à l’enquête parce qu’il ne croit pas à la thèse de la police qui soupçonne Stanley Merchant, le fils de Claire, la cheffe de la bande amérindienne locale… et maîtresse de Thumps ! Stanley, alias Stick, fait partie des Aigles Rouges, un groupe de militants indiens farouchement opposé au projet de luxueux complexe d’habitation jumelé à un casino qu’on s’apprête à inaugurer. Mais de là à tuer un simple informaticien… Thumps a des doutes.

L’intrigue commence lentement, histoire de présenter les protagonistes, avant de trouver son rythme, alors que les suspects se précisent et que des témoins potentiels sont abattus. Théoriquement, le rôle de Thumps devrait se limiter à prendre des photos, mais chassez le naturel… Il ne peut s’empêcher de fouiner, au risque de contrarier la police locale ou de se faire tirer dessus par des inconnus.

Dans ce polar au cadre exotique, on croise toute une galerie de personnages forts : forts physiquement, forts en gueule, qui se lancent dans des dialogues truculents ou des répliques souvent assassines et un humour grinçant. Thumps, un indien Cherokee, quoique hanté par quelques démons du passé, est un pince sans rire des plus sympathiques et un limier obstiné et redoutable.

Une des originalités des polars de Thomas King (de descendance cherokee, grecque et allemande) c’est qu’il ne tombe jamais dans le manichéisme et le cliché des méchants blancs vs les bons indiens. Il n’y a pas d’acrimonie entre les communautés, pas de victimisations. Ce qui ne l’empêche pas d’aborder à l’occasion certains enjeux politiques et environnementaux qui préoccupent les gens des réserves. Bref, un polar des plus sympas avec plusieurs protagonistes qu’on a très hâte de retrouver.

Éd. or. : DreadfulWater shows up, 2002

Trad. : Lori St-Martin & Paul Gagné

P.-S. : La version originale est parue en 2002 sous le pseudonyme de Hartley GoodWeather, puis réédité en 2017 avec le titre DreadfulWater.

 

 

 

Norbert Spehner