Critique: Stephen Spotswood, La Fortune sourit aux disparus


 Couverture

Paris, Calmann-Lévy (Noir), 2021, 365 p.

Élémentaire, ma chère Parker !

Le dramaturge américain Stephen Spotswood propose un roman intitulé La Fortune sourit aux disparus. Le livre en soi accroche l’œil. La couverture est jolie, très vintage. Elle nous plonge d’emblée dans une autre époque, ce que confirme l’histoire, qui se déroule dans la ville de New York dans les années 1940. On pense immédiatement qu’on va se retrouver dans un récit classique de détective menant une enquête pour une famille riche, non ? Oui, mais… Car il y a un « mais » : le détective en question est une femme, et pas n’importe laquelle : Lillian Pentecost, détective privée la plus renommée de Manhattan. Pas banal. En plus, cette détective a une santé chancelante (elle souffre de sclérose en plaques) et décide de former sa relève, en engageant une jeune fugitive employée par un cirque depuis des années, Willowjean Parker. Sa spécialité ? Le maniement des couteaux. Ça ne peut pas nuire quand on travaille dans le milieu du crime !

Will devient donc l’indispensable assistante de la détective ; c’est d’ailleurs la jeune femme qui raconte l’histoire, ce qui n’est pas sans rappeler un certain Sherlock Holmes et son fidèle Watson ! Mrs P et Will se voient confier une enquête sur le meurtre d’Abigail Collins, veuve du riche Alistair Collins, propriétaire d’entreprise qui s’est lui-même enlevé la vie un an plus tôt. Abigail, elle, est assassinée lors d’une fête d’Halloween. On la retrouve dans une pièce fermée, verrouillée de l’intérieur et qui n’offre aucune possibilité de fuite. Un mystère de chambre close, donc. L’arme du crime ? Une boule de cristal.

La Fortune sourit aux disparus propose un mélange de différents univers, largement inspiré de Sherlock Holmes, mais passant également par Agatha Christie, Raymond Chandler, évoquant même les jeux de Clue ou de Meurtre et mystère ! Tout le monde semble avoir un motif pour tuer Abigail, mais qui l’a réellement fait, et de quelle manière ? L’auteur ne rechigne pas à puiser dans les clichés du genre, tout en y ajoutant une touche personnelle beaucoup plus moderne. D’abord, le choix de mettre en scène deux femmes détectives dans les années quarante est pour le moins audacieux. Le fait que l’une d’elle soit homosexuelle et qu’elle l’assume tout à fait apparaît aussi peu conventionnel pour l’époque. Sans oublier qu’il est question de violence faite aux femmes et de réflexions sur les moyens d’outiller ces dernières pour qu’elles puissent au moins se protéger ou fuir en cas de danger. Plein de belles idées, donc, livrées par Will Parker sur un ton énergique et humoristique.

Will et sa patronne sont de beaux personnages, fort intéressants – évidemment, on ne voit Lillian Pentecost que par le regard de Will, on referme le roman en ayant tout de même un peu l’impression qu’on aurait pu, et voulu, mieux la connaître. Il est donc beaucoup plus facile de s’attacher à Will, jeune femme débrouillarde et hardie marquée par une enfance difficile. Honnêtement, l’enquête ne réserve pas de grandes surprises, la fin est un peu décevante et aisément prévisible, mais cela n’empêche pas qu’on passe un très bon moment dans l’univers des deux détectives et que ce roman est un excellent divertissement, sans prétention, tout à fait dans la lignée des cosy mystery.

Martine Latulippe