Critique: Sonja Delzongle, Le Dernier Chant


 Couverture

Paris, Denoël, 2021, 472 p.

LE DERNIER CHANT, OU LA MÉLODIE DU MALHEUR

Ce que les Anglo-Saxons appellent « Climate Fiction » est apparu grosso modo au cours des vingt dernières années. Participant au cri d’alarme mondial sur les changements climatiques et leurs conséquences désastreuses sur la faune, la flore et l’homo sapiens (de jour en jour plus moron que sapiens), ces récits engagés sont autant de cris d’alarme. En grande partie originaire de la « hard » science-fiction, le sous-genre a peu à peu envahi le champ du thriller, avec nombre de récits qui sont des amalgames de polars, de spéculation scientifique et de thriller mâtinés de préoccupations écologiques.

Tout d’abord écrivaine de polars, notamment avec son excellente série des enquêtes de la profileuse Hanah Baxter, Sonja Delzongle a amorcé son virage écolo avec le roman Boréal, avant de récidiver avec le très remarquable Le Dernier Chant, thriller scientifique et récit apocalyptique mettant en scène une autre de ses héroïne fortes, la virologue Shan Shoun, chercheuse à l’institut de virologie de Grenoble.

Grosso modo le récit se divise en deux séquences…

Dans la première, le mystère est plutôt scientifique. Tout commence par une série de catastrophes naturelles inexpliquées : sur le Saint-Laurent, on découvre à perte de vue des cadavres de marsouins, de baleines et de bélugas. Origine de cette hécatombe : inconnue !

Au Congo, les gorilles succombent eux aussi à un mal inexpliqué. Points communs entre ces deux événements : une prostration inexpliquée, des larmes de tristesse, un chant de détresse. Les animaux à l’agonie pleurent ! Shan Shoun enquête sur ces phénomènes étranges, bouleversants et cherche à percer le mystère de ce mal inconnu à la propagation exponentielle qui menace la survie de l’espèce animale et celle de l’humanité

Dans la deuxième partie, le récit gagne en rythme et en intensité dramatique pour devenir thriller scientifique et roman d’aventure. Contactée par un groupe d’activistes dirigé par un ingénieur du son, un baroudeur au passé militaire, elle apprend que la source du mal, c’est le « hum », le bruit qui tue, originaire du centre de la terre ! Le dernier chant qui apporte la mort. Le groupe veut découvrir qui est à la source du problème. Leur enquête met à jour un scandale mondial sur fond de nouvelles technologies, de recherche de l’immortalité, et d’expérimentations militaires. Ce faisant, ils mettent leurs vies en danger. Un à un les membres de l’équipe sont exécutés par les sbires de la force occulte qui s’agite dangereusement dans les coulisses. Question : à qui profite la disparition des êtres vivants ?

À la fois roman écologique engagé et thriller d’action, ce récit captivant se base sur une solide documentation scientifique (omniprésente, mais digeste) touchant à toutes sortes de domaine passionnants sur lesquels plane l’ombre énigmatique de Nikola Tesla, le génie des génies, dont les découvertes étonnantes sont pillées par des Frankenstein des temps modernes, très mal intentionnés.

Le Dernier Chant est la combinaison parfaite du récit engagé, à la fois instructif et captivant, avec des touches poétiques, voire lyriques, surtout dans l’émouvante première partie.

Note : 4/5

P.S. Le final est plus que surprenant, il est carrément terrifiant !

P.S.S. Une scène de toute beauté : la rencontre entre un énorme baleine bleue agonisante et le kayak à bord duquel Shan et son guide Liam sont allés constater le désastre sur le Saint-Laurent (Tadoussac).

Norbert Spehner