Critique: Roxanne Bouchard, Le Murmure des hakapiks


 Couverture

Montréal, Libre Expression, 2021, 264 p.

DU SANG SUR LA BANQUISE

Le Murmure des hakapiks est le troisième roman de Roxanne Bouchard mettant en scène l’enquêteur Joaquin Moralès. Plus roman (très) noir que « polar poétique », c’est aussi le meilleur, le plus abouti des trois récits, et une des grandes réussites du polar québécois de cette première moitié de 2021.

Schéma classique : le récit a deux lignes narratives dont l’une met en scène Simone Lord, agente de Pêches et Océans Canada, et l’autre, le flic Joaquin Moralès !

A la fin de janvier, alors que les bateaux sont tous rentrés au port à cause du mauvais temps, Simone Lord embarque comme observatrice sur un chalutier en partance pour la chasse aux phoques, malgré une météo qui s’annonce très rude. Elle reçoit un accueil glacial de la part de l’équipage et cela pour diverses (mauvaises) raisons qu’elle ne va pas tarder à découvrir à son corps défendant. Bienvenue dans l’enfer d’une chasse aux phoques mouvementées, avec un équipage assez peu conventionnel (euphémisme), aux intentions peu catholiques.

Pendant ce temps, c’est un Joaquin Moralès tourmenté par son divorce (et son attirance pour la belle Simone) qui prend congé pour une semaine de ski aux abords du Saint Laurent. Mais la psychologue judiciaire Nadine Lauzon arrive à la dernière minute avec un dossier criminel sur lequel Moralès devra se pencher coûte que coûte et dont les ramifications vont réserver de bien mauvaises surprises.

Roxanne Bouchard embarque son lecteur dans deux périples mouvementés sur les glaces Saint-Laurent avec à la clef les péripéties d’un véritable thriller, une tension dramatique des plus intenses, la poésie sombre des paysages glacés du golfe du Saint-Laurent et de ses îles, les avatars sanglants d’une chasse aux phoques, les tribulations sentimentales et criminelles de ses personnages et un dénouement qui vous arrache le cœur ! Menu chargé, mais au combien captivant et instructif sur les mœurs et coutumes de la région, la pêche, la chasse, ainsi que la géographie rude d’une contrée de vents, de marées et de mer glacée, pourvoyeuse de richesses, aussi belle que dangereuse ! Formidable et captivant !

P.-S. le hakapik est une arme de chasse formée d’un bâton de bois orné d’une tête de marteau et d’un crochet, un truc à foutre en rogne Brigitte Bardot, entre autres ! D’origine norvégienne, il est conçu expressément pour la chasse au loup marin.

Norbert Spehner