Critique: Pierric Guittaut, L’Heure du loup


 Couverture

Paris, Équinoxe (Les Arènes), 2021, 247 p.

CHASSE AU LOUP EN SOLOGNE

L’Heure du loup, de Pierric Guittaut est un polar rural, deuxième volet des enquêtes du major Fabrice Remangeon, dit « Le loup-garou », de la Gendarmerie nationale.

L’action se passe en Sologne, sa terre natale, une région pauvre et marquée du sceau de la superstition où son père exerçait ses activités de rebouteux, un don maudit dont il a hérité et qui lui mérite parfois l’appellation de « fils du sorcier ».

L’intrigue commence avec la découverte du cadavre mutilé de la jeune Maëva Daumois, une ado de quatorze ans. L’état ravagé du corps ne semble laisser aucun doute : la jeune fille a été attaquée et tuée par une bête sauvage. Or plusieurs témoins ont récemment entendu ou aperçu des loups… Il n’en faut pas plus pour que les esprits s’échauffent et que la tension, déjà vivre entre chasseurs, défenseurs de la faune et éleveurs monte d’un cran.

Mais Remangeon se demande si cette mort brutale résulte de l’attaque d’un fauve ou s’il s’agit d’un crime déguisé. L’examen du téléphone de la gamine a révélé un nombre surprenant d’échanges avec Gérald Morlaix, un individu plutôt louche âgé de 34 ans, dès lors considéré comme principal suspect. L’enquête va réserver quelques surprises…

Ce polar captivant de 200 quelques pages, nous change agréablement des thrillers obèses formatés, avec leurs overdoses d’atrocités, qui inondent le marché. Le cadre général de l’intrigue est un décor rural âpre, sauvage, magistralement évoqué par une écriture souvent poétique. L’auteur aborde aussi un thème d’actualité, soit la réintroduction d’animaux sauvages dans des zones rurales ou d’élevage et les conflits qui en résultent. Le personnage central est fort, nuancé (et réaliste) : un type plutôt taciturne, plutôt bon flic, aux prises avec de nombreuses interrogations existentielles et quelques déboires amoureux pas piqués des vers (prétextes à quelques scènes d’une sensualité… troublante). Autour de lui gravitent quelques protagonistes typiques issus de la campagne française, dont l’auteur trace des portraits nuancés, sans les clichés habituels. Bref, un bon roman et un excellent passe-temps.

D’ombres et de flammes, la première enquête du major Remangeon a été publiée dans la Série noire en 2016.

Pierric Guittaut est aussi l’auteur d’un ouvrage essentiel sur la Bête du Gévaudan : La Dévoreuse : le Gévaudan sous le signe de la Bête 1764-1767, Clermont-Ferrand, Éditions De Borée (Histoire & documents), 2017. (voir Wikipédia).

À propos du polar rural : Il a consacré à ce genre un article initialement intitulé « Au fond des bois, personne ne vous entendra crier » dans lequel il analyse la genèse du polar rural et affirme que celui-ci n’est pas qu’un sous-genre de roman policier, mais un genre littéraire spécifique apparu de façon concomitante à la naissance du roman criminel moderne et que celui-ci, en dépit de son renouveau récent, n’a rien de novateur.

Norbert Spehner