Paris, Albin Michel, 2021, 336 p.
LA VIEILLE DAME INDIGNE
Avec son titre alambiqué, son logo « roman », et son insignifiante et moche couverture clébarde, Le Serpent majuscule ressemble à tout sauf à un roman policier, d’autant moins que son auteur Pierre Lemaître, a récemment délaissé les rivages populaires du genre pour les milieux plus huppés de la dite littérature blanche ! Mais bon, reste le bandeau qui annonce la couleur : le premier polar de cet auteur enfin publié ! On va faire avec…
Mathilde Perrin est une veuve âgée de 63 ans, avec un léger problème de surpoids, qui habite un pavillon de banlieue à Melun en compagnie de son dalmatien. Cette ancienne résistante, au caractère bien trempé exerce depuis trente ans le pas très noble métier de tueuse à gages ! Une tueuse sans pitié, d’un sadisme effrayant qui privilégie les gros calibres et les impacts là où ça fait mal histoire de faire souffrir (euphémisme) les victimes avant de les achever.
Son boulot : exécuter les contrats que lui confie un mystérieux Commandant, un ancien camarade de la Résistance, membre de la non mystérieuse DRH. Tous les contrats se déroulent selon un rituel bien rôdé, minuté, sans bavures, jusqu’à ce que…
Alors que le jeune inspecteur René Vassiliev commence à s’intéresser aux activités de la veuve, les événements se précipitent…
Rattrapée par le vieil âge et un début d’Alzheimer, Mathilde se met soudainement à prendre des initiatives pour le moins douteuses et des plus sanglantes. Les choses se mettent à déraper, et les cadavres à s’accumuler de manière incontrôlée, ce qui oblige le Commandant à prendre une décision drastique : il faut éliminer le soldat Mathilde ! Plus vite dit, que fait… Ça va barder et le récit prend des allures tarantinesques, souvent affreusement drôles, jusqu’à une finale des plus originales et probablement unique dans la production contemporaine (il existe un exemple classique) !
Ce serpent majuscule (un truc mental qui vous pousse à tuer) est un thriller d’une extrême noirceur et en même temps un récit fort drôle, car Lemaître manie un humour noir au scalpel, comme on l’aime. Écrit en 1985 (donc pas de technologie miracle à la NCIS permettant de repérer un poil de cul de tueur à 100 bornes, ou un portable jeté dans une poubelle du Kasakhstan, le temps de le dire), c’est à la fois le tout premier polar du maître… et son dernier, parole d’écrivain !
Voilà un autre de ces polars atypiques mettant en scène un personnage de senior déjanté, totalement immoral, dans la lignée des Mamie Luger, Buck Schatz et autres vieilles fripouilles à la verdeur assassine, comme il s’en est publié plusieurs au cours des dernières années (voir article de Nicolas Verdan ci-dessous). Savoureux, noir et réjouissant !
Pour en savoir un peu plus sur les petits vieux de polars qui défouraillent dans tous les sens :
Norbert Spehner