Paris, Calmann-Lévy, 2020, 244 p.
Polar et piscine
Non, mon titre ne fait pas référence à cette habitude que plusieurs ont d’associer la lecture de polars aux vacances, à la plage ou à la piscine… Il évoque plutôt le fait que la piscine municipale est le point de départ du roman que nous propose l’auteur français Niko Tackian, Nicolas Tackian de son vrai nom, journaliste, scénariste, romancier… entre autres choses ! Celle qui pleurait sous l’eau est la troisième aventure mettant en vedette le commandant Tomar Khan. Petite précision : il n’est pas nécessaire d’avoir lu les tomes précédents pour bien s’y retrouver et pour apprécier cette nouvelle enquête de Khan.
Le récit commence sur une scène dérangeante à souhait : un matin, à l’ouverture d’une piscine municipale du 18e arrondissement, à Paris, un maître-nageur découvre, dans les eaux rougies du bassin, le corps d’une jeune femme dont les poignets sont tailladés. Elle est rapidement identifiée : Clara Delattre, dans la jeune trentaine, une jeune femme apparemment sans histoire. La cause du décès semble claire : il s’agit sans aucun doute d’un suicide. Mais l’équipe de Tomar Khan, en particulier son adjointe Rhonda, n’est pas prête à classer l’affaire aussi vite. Trop d’éléments semblent incongrus : pourquoi mettre en scène son suicide de façon aussi théâtrale, dans une piscine publique ? Qu’est-ce qui a pu pousser Clara, que tous décrivent comme une battante et une passionnée, à s’enlever la vie ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette détresse… ou alors qui ?
Sans trop en révéler, je me contenterai de dire que le roman aborde des sujets nécessaires et troublants, tels que les relations toxiques, la violence faite aux femmes – qui n’est pas que physique, qui peut blesser autant quand elle est psychologique –, la manipulation… On s’en doute : le lecteur ne se retrouve pas devant un suspense haletant. L’affaire est aisément résolue (un peu trop, presque), mais on sent bien que la préoccupation première de Niko Tackian était bien plus d’aborder les sujets sensibles précédemment mentionnés que de proposer un page turner ! L’auteur nous offre, avec Celle qui pleurait sous l’eau, un roman sensible, avec une galerie de personnages intéressante que nous aurons plaisir à retrouver : Tomas, bien entendu, qui aime faire cavalier seul et ne rechigne pas à utiliser des méthodes un peu contestables pour obtenir les infos qu’il veut, sa mère, son mentor, son adjointe Rhonda… Le ton est parfois un peu trop franchouillard, on se doute bien que les informations obtenues par Tomas ne tiendraient guère la route dans un procès vu les méthodes utilisées, mais ne boudons pas notre plaisir pour autant : le roman offre un bien agréable moment de lecture, en plus de soulever plusieurs réflexions tout à fait d’actualité, notamment sur la violence psychologique, sur ses funestes conséquences, et aussi sur l’impunité quasi totale de ceux qui la font subir.
Martine Latulippe