Critique: M. J. Arlidge, À la folie, pas du tout


 Couverture

Paris, Les Escales (noires), 2020, 343 p.

14 heures chrono

L’auteur britannique M. J. Arlidge nous propose À la folie, pas du tout, la septième enquête mettant en vedette l’inspectrice Helen Grace. C’était ma première incursion dans son univers, et ce ne sera sûrement pas la dernière! D’abord, je précise que même si vous n’avez pas lu les titres précédents, on s’y retrouve sans problème et on a vite l’impression de connaître l’inspectrice Grace et ses collègues. Mais n’allons pas trop vite! D’abord, l’histoire.

Southampton est une ville tranquille, qu’on a du mal à imaginer être la scène d’un crime. Pourtant, un matin, une mère de famille apparemment sans histoire est violemment abattue et laissée sur le bord de la route, sans qu’on comprenne pourquoi. Attaque personnelle? Choix de victime aléatoire? Ce qui ne fait aucun doute, c’est qu’il ne s’agit pas d’un vol qui a mal tourné : l’argent, les cartes, les bijoux… tout a été laissé sur place. Peu de temps après, c’est au tour d’un pharmacien à l’existence tout aussi paisible d’être attaqué. Ces deux crimes sont déjà terrifiants, le fait que le tueur soit toujours en liberté l’est encore plus. La journée n’en est encore qu’au début, les meurtres vont continuer de s’accumuler… À qui s’en prendra-t-on maintenant? Helen et son équipe doivent mettre fin à cette violence au plus vite. Un climat de peur s’installe sur la ville. La traque commence, une chasse à l’homme se met en place, parfois menacée par le dangereux jeu du chacun pour soi : une journaliste qui garde ses infos pour ne pas échapper un scoop, une inspectrice qui n’ose parler de ses doutes pour avoir l’air en contrôle ou pour protéger l’enquête, etc.

J’aimerais souligner le choix judicieux que fait l’auteur en mettant à la tête du récit (et de la série) non pas une seule policière mais bien trois, puisque c’est Helen, Charlie et Joanne qui mènent l’enquête. Le fait mérite d’être souligné car il n’est vraiment pas fréquent de retrouver une telle équipe féminine dans un suspense. Arlidge nous offre un roman haletant, qui n’est pas sans rappeler la série 24 heures chrono. L’action est minutieusement rapportée, quasi à la minute près. On passe tour à tour du point de vue des policiers à celui d’une journaliste, à celui des victimes ou des suspects. Le rythme est effréné, porté par une série de très courts chapitres (126 chapitres pour 343 pages!). Tout se passe en une seule journée, en 14 heures bien comptées : le premier meurtre survient à 7h le matin, le récit se termine à 21 h le même jour. C’est un choix de narration intéressant, qui comporte cependant certains risques, notamment sur le plan de la crédibilité. Le lecteur peut être agacé par le fait que toute l’équipe est en réunion à 14h12 au commissariat, par exemple, et qu’à 14h21 les mêmes policiers sont rendus dans un lycée plus loin, déjà plongés dans des conversations avec des gens là-bas. Si on inclut la fin de la réunion, les déplacements, les stationnements, l’entrée dans le lycée… hum, neuf minutes, ça me semble serré! La situation se répète à quelques reprises, mais si on fait abstraction de cet irritant, le procédé est on ne peut plus efficace. Les minutes passent, la journée avance, la menace se précise. C’est court. C’est violent. C’est rythmé. Un véritable page turner.

Martine Latulippe