Critique: Ian Rankin, Le Chant des ténèbres


 Couverture

Paris, du Masque, 2021, 395 p.

Un retraité à la rescousse

Décidément, ce n’est pas toujours facile pour les auteurs de romans policiers de mettre leurs héros à la retraite! Tel un Harry Bosch retraité mais encore très actif, John Rebus nous revient pour une vingt-troisième aventure, pour notre plus grand plaisir! On ne compte plus le nombre de récompenses et de traductions que ce personnage d’inspecteur écossais a valu à son auteur, Ian Rankin. Quand on le retrouve dans Le Chant des ténèbres, Rebus n’est pas en grande forme : il est à la retraite, il a des problèmes de santé, il vient de déménager… Pourtant, quand il reçoit un appel de sa fille Samantha en pleine nuit, il n’hésite pas une seconde à s’élancer à la rescousse et à prendre la route. Keith, le conjoint de celle-ci, a disparu. Sa voiture a été retrouvée tout près de la maison, mais Keith ne donne plus signe de vie : aucun retrait à signaler sur ses cartes, personne ne l’a aperçu non plus. Samantha se hisse vite au sommet de la liste de suspects, en raison de son infidélité notamment. Au grand déplaisir de l’équipe chargée de l’enquête, Rebus s’incruste dans le processus en cours, prêt à tout pour aider sa fille, rongé par la culpabilité de ne pas avoir été là pour elle dans le passé.

Pendant ce temps, à Édimbourg, son ancienne coéquipière, Siobhan Clarke, forme une équipe improbable avec l’inspecteur Malcom Fox, rencontré déjà à quelques reprises dans l’univers de Rankin. Tous deux tentent de démêler une affaire de meurtre : un jeune étudiant saoudien a été assassiné sur un stationnement. Vol? Crime raciste dans un monde ébranlé par le Brexit? L’affaire est délicate, notamment sur le plan politique, l’Arabie Saoudite ne voulant pas nécessairement y collaborer. Cette enquête est menée en parallèle avec celle de Rebus, en quelques jours de travail bien tassés. Elle part dans plusieurs directions et on a un peu plus de mal à s’y intéresser, se prenant parfois à souhaiter qu’on revienne à la disparition de Keith.

Le Chant des ténèbres est loin d’être le roman le plus enlevant de Ian Rankin, mais on le lit néanmoins avec plaisir. L’auteur sait raconter une histoire, c’est évident, même si les deux enquêtes présentées dans ce polar sont plus « tranquilles » que bien des aventures précédentes de Rebus. Rankin semble ici davantage soucieux de passer du temps à nous décrire les personnages, leur état d’esprit, leur passé. On sent qu’il se plaît à renouer avec les différents personnages croisés au fil des ans dans le monde de Rebus, notamment avec un Big Ger Cafferty, son ennemi de toujours, vieillissant mais bien décidé à garder le contrôle de son empire. Pour la suite des choses, parions que Rebus aura du mal à profiter paisiblement de sa retraite : l’auteur prend soin de préciser à plus d’une reprise que l’inspecteur a quitté le travail en emportant avec lui des dossiers d’affaires non classées… Ce ne serait pas étonnant de le revoir!

 

Martine Latulippe