Critique: Gianrico Carofiglio, L'Été froid


 Couverture

Paris, Slatkine et Cie, 2021, 458 p.

DU RIFIFI À BARI…

Été 1992. La Mafia fait régner la terreur dans les rues de Bari et n’hésite pas à éliminer les magistrats (Giovanni Falcone, Paolo Borsellino, entre autres) et les policiers qui enquêtent sur leurs nombreuses activités criminelles.

Un événement tragique va jeter de l’huile sur le feu : on a kidnappé le fils de Grimaldi Nicola, dit le Blond, un des parrains les plus puissants de la ville. Persuadé que c’est le clan rival de Lopez Vito, un de ses anciens adjoints maintenant dissident, qui est responsable du rapt, Grimaldi lance ses tueurs aux trousses de l’ennemi. La guerre est commencée et les exécutions se succèdent !

Le maréchal (grade dans les carabiniers italiens) Pietro Fenoglio est au cœur de l’enquête sur cette affaire qui risque de faire couleur beaucoup de sang.

Sentant la soupe chaude, malgré l’omerta, Lopez décide de collaborer avec la justice… Dès lors, l’intrigue se divise en deux parties.

D’abord, la confession de Lopez, un récit hypnotique dans lequel il raconte par le détail sa « carrière » dans l’organisation, son ascension à coup de d’initiation brutale et de meurtres, sa rupture avec le clan Grimaldi, le tout avec force détails, pour finir avec une révélation surprenante qui va relancer toute l’affaire. Présentée sous forme de procès-verbaux d’interrogatoire, cette partie de L’Été froid, de Gianrico Carofiglio, a des aspects quasi-documentaires et ne dure que pendant quelques chapitres

Par la suite, on revient au récit de procédure policière et à l’enquête (captivante) sur le kidnapping de l’enfant et les tentatives de démantèlement de la pieuvre mafieuse.

C’est là qu’intervient l’enquêteur Fenoglio, un flic des plus sympathiques. Il a fait des études en lettres avant d’entrer dans la police dans l’espoir de combattre le mal et de faire régner la justice. Idéaliste, incorruptible, romantique et philosophe sur les bords, il a horreur de la violence et des armes. Il privilégie la persuasion et le dialogue et s’oppose aux passages à tabac et autres violences dont sont friands ses collègues parmi lesquels il y a de nombreux ripoux.

Je dois avouer que je n’ai jamais eu d’attirance particulière pour les histoires de mafiosi, mais là j’ai été séduit dès les premières pages par l’écriture fluide, élégante, par le personnage atypique de Fenoglio et l’aspect réaliste d’une intrigue inspirée par des faits réels ancrés dans une époque qui a marqué le début de la fin pour la mafia des Corleonesi. Excellent.

Précisons que l’auteur (né à Bari) a été procureur, conseiller du Comité anti-mafia au Parlement italien et sénateur de 2008 à 2013 ce qui donne un cachet d’authenticité à ce récit fictif.

Ed. or. : L’estate fredda, 2016 Trad. : Elsa Damien

 

Norbert Spehner