Critique: Fabiano Massimi, L'Ange de Munich


 Couverture

Paris, Albin Michel, 2021, 558 p.

L’enquête qui aurait pu empêcher la Seconde Guerre mondiale

 

Rappelons les faits : (la thèse officielle) : À Munich, le 18 septembre 1931, Angela « Geli » Raubal, âgée de 23 ans, met fin à ses jours dans un appartement de Prinzregentenplatz en se tirant une balle dans le poumon. À côté de son corps inerte, on a retrouvé un pistolet Walther appartenant à son oncle et tuteur légal… Adolf Hitler, alors leader du Parti National-socialiste des travailleurs.

Ce qui aurait pu n’être qu’un fait divers criminel parmi d’autres devient le thème central de L’Ange de Munich, de Fabiano Massimi, un polar historique passionnant : un peu à la manière de Philip Kerr (mais sans l’humour de Bernie) l’auteur a intégré une trame policière solide, captivante, à un contexte historique réel, minutieusement documenté, en convoquant une foule de personnages de l’époque (Goebbels, Goering, Hess, Adolf, Himmler, Eva Braun und so weiter), allant jusqu’à donner aux enquêteurs fictifs les noms réels des limiers de l’époque, pour en faire un authentique polar d’enquête qui vire au thriller dans sa dernière partie. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ?

Or donc, tout commence par un crime en vase clos dans les appartements d’Hitler. Tout semble indiquer un suicide, mais, dès le départ, le commissaire Siegfried Sauer et son ami et collège Helmut Forster ont des doutes. Certains éléments matériels ne collent pas tout simplement pas, et les premiers témoins sont formels : cette jeune femme intelligente et pleine de vie, croyante de surcroît, n’avait aucune raison de se suicider.

Le futur Führer, absent de Munich pendant le drame, est dévasté ! La femme de sa vie est morte ! Peu à peu, les enquêteurs découvrent les liens plus que troubles existant entre l’oncle et la nièce : d’abord son comportement jaloux, mesquin et autoritaire, puis, plus l’enquête avance, ils en apprennent des vertes et des pas mûres sur les habitudes sexuelles dépravées du futur maître du Reich (tout cela documenté), pratiques auxquelles Geli est obligée de consentir. Alors que des témoins réticents disparaissent ou sont carrément assassinés sous forme de suicides maquillés, les enquêteurs réalisent que des membres du Parti, farouches partisans du chef, cherchent à étouffer une vérité des plus sordides, laquelle, si elle était dévoilée signifierait la fin de sa carrière politique. D’autant plus que dans l’ombre, plusieurs édiles nazis convoitent son poste et sont prêts à tout pour l’abattre.

Toute cette partie centrale, qui raconte les diverses étapes d’une enquête riche en rebondissements, et en embûches pour les enquêteurs et les témoins, est absolument fascinante. Avec en toile de fond, la vie à Munich en 1931, alors que les nazis commencent leur règne de terreur et rencontrent encore une forte opposition, avant que l’Histoire ne bascule deux ans plus tard et que Hitler prenne le pouvoir.

Mon seul bémol concerne le dénouement, haletant certes, et riche en surprises, peut-être un peu trop romanesque, voire hollywoodien, mais qui ne déplaira pas aux âmes romantiques ! Mais je pinaille… Ce polar est formidable ! (Il faut dire que j’ai un certain parti pris pour ce contexte historique particulier, cette époque maudite qui m’a toujours fasciné).

La partie « roman » est complétée par une bibliographie étoffée, une note historique et un mot de l’auteur qui précise les limites entre réalité et fiction.

 

Ed. or. : l’Angelo di Monaco, 2020 Traduction : Laura Brignon

 

P.-S. La dernière phrase du roman « Un jour, il reviendrait ». À méditer…

P.-S.2 : Dans ses notes historiques, l’auteur mentionne que Hitler s’est suicidé en avalant une capsule de cyanure et en se tirant une balle dans la tête avec le pistolet qui, quatorze ans auparavant, avait tué Geli Raubal.

P.-S. 3 : Hitler et Trump avaient plusieurs points en commun, dont l’ondinisme ! Non, je ne donnerai pas détails…

Sur le même thème :

Ron Hansen, La Nièce d’Hitler, Buchat Chastel, 2006, et Paris, Phébus, 2012. (version poche)

Comparée aux atrocités innommables perpétrées contre l’humanité par Adolphe Hitler, la mort de sa nièce n’est peut-être qu’une note de bas de page dans l’histoire de sa vie. Mais ce fait n’a pas échappé à l’œil du romancier curieux et expérimenté qu’est Ron Hansen ; il décide d’utiliser cet événement mystérieux pour s’introduire dans la vie intime de l’un des hommes les plus monstrueux de tous les temps.

Norbert Spehner