Paris, Calmann Levy (Noir), 2022, 446 p.
Au-delà des apparences
La Suédoise Camilla Grebe nous présente son cinquième roman, L’Horizon d’une nuit. Cinq titres seulement, et déjà toute une réputation et de nombreux prix à son actif! L’éditeur propose, en quatrième de couverture, une question qui résume bien le livre : connaît-on vraiment les gens qu’on aime? La base est placée, tout est déjà là, puisque c’est sur cette grande interrogation que repose l’histoire de ce polar.
Maria n’oubliera jamais la date du samedi 16 décembre 2000. C’est la nuit où tout a basculé. Maria est la mère d’un garçon trisomique, Vincent, qu’elle a élevé seule, le père ayant plié bagages avant même la naissance de l’enfant. Elle vit un tout nouveau bonheur depuis deux ans. Elle a rencontré Samir, un médecin père d’une jeune fille de 18 ans, Yasmin. C’est l’amour fou, Maria et Samir emménagent ensemble, les enfants s’entendent bien, malgré le caractère parfois plus tumultueux de Yasmin… bref, Maria est heureuse. Jusqu’à cette fameuse nuit de décembre…
Alors qu’elle passe un week-end avec des amies, le téléphone sonne en plein nuit : Maria doit rentrer, Yasmin a disparu… La police a retrouvé une lettre de suicide et ses souliers en haut d’une falaise. Le cauchemar commence… Et il n’en qu’à ses débuts, puisque rapidement on apprend qu’une voisine a vu deux personnes sur la falaise. Yasmin n’était pas seule cette fameuse nuit. Elle était avec son père. Les preuves se multiplient. Samir est accusé du meurtre de sa fille. Pourtant, Maria jure qu’il l’adorait, qu’il n’aurait jamais pu lui faire de mal… Tout s’effondre pour Maria et sa famille. Le fragile équilibre retrouvé depuis quelques années est chose du passé.
Camilla Grebe propose un roman psychologique bien fouillé, qui illustre de façon très efficace le profond désarroi des personnages, leur fragilité devant une existence qui s’effondre. Au départ, Maria nous raconte son histoire, son cauchemar. Elle n’aurait qu’un souhait : revenir en arrière. On pense avoir tout compris, on se demande ce que l’autrice pourra bien nous raconter dans les trois cents pages suivantes quand soudain… on change la perspective! Grebe donne la parole à un autre personnage, celui de Vincent, l’enfant trisomique. Puis on aura droit à d’autres versions, dont celle de Gunnar, le policier. Le procédé est très intéressant puisque la même situation nous est présentée de façon bien différente selon le point de vue du personnage. Le changement de perspective nous permet de se faire peu à peu une meilleure idée de la situation, pour nous conduire vers une conclusion assez différente de celle que le premier quart du livre laissait deviner! On croit tout savoir et un nouveau pan de l’histoire apparaît avec chaque nouveau narrateur. Habile. Une lecture bien agréable qui nous rappelle que les apparences peuvent être trompeuses.
Martine Latulippe