Critique: Anna Raymonde Gazaille, Secrets boréals


 Couverture

Montréal, Leméac, 2021, 286 p.

MEURTRES ET MYSTÈRES AU LAC NOIR

Qui est cette mystérieuse Brigit Lynch qui a trouvé refuge dans un village au confins de la forêt boréale en tentant de fuir un passé marqué par la violence ? La découverte du cadavre d’une jeune fille récemment disparue dans un ravin à la limite de ses terres va venir bouleverser son quotidien. Simon Kerouac, un enquêteur de la Sûreté du Québec venu de Québec est chargé de l’enquête, car le flic local est d’une incompétence crasse. Séduit par le charme, le mystère et la compétence de la jeune femme, Simon compte sur Brigit, familière avec les lieux et les habitants du coin, pour l’aider à avancer dans l’enquête qui se complique avec la découverte d’un autre cadavre, celui d’une jeune autochtone ! Brigit est tiraillée entre son désir de rester le plus possible dans l’ombre afin de préserver ses secrets, et celui de s’impliquer dans une enquête qui jette une lumière crue sur les agissements criminels de quelques membres de la petite communauté repliée sur ses méfaits. Par ailleurs, Brigit se sent épiée : il y a une présence mystérieuse dans les bois ! Le passé est-il en train de la rattraper ?

Une deuxième ligne narrative (beaucoup plus brève) se déroule dans un pays du Moyen Orient jamais identifié, où Dana, une autre jeune femme, est témoin d’enlèvements, de viols et de massacres perpétrés par les sbires d’un chef de guerre influent. Qui est Dana ? Qu’ont en commun Dana et Brigit… That is the question… !

Secrets Boréals est le quatrième polar d’Anna Raymonde Gazaille, une des meilleures auteures de polars du Québec et une de ses stylistes les plus accomplies. Dans ce nouveau roman qui n’appartient pas au cycle des enquêtes de l’inspecteur Morel, elle aborde quelques thèmes universels comme l’identité, le racisme, la vengeance et celui hélas d’une actualité toujours brûlante : la disparition et le meurtre de jeunes femmes autochtones. Servi par une langue élégante (notamment dans les descriptions souvent poétiques des paysages sauvages du Nord québécois), ce récit envoûtant, empreint de mystère, riche en secrets innommables, est une des belles réussites polar de cette annéeé

P.-S. : On notera l’intérêt récent des auteures québécoises de polars pour les intrigues se déroulant dans la nature sauvage du Nord québécois : Isabelle Lafortune, Isabelle Grégoire, Maureen Martineau (en tirant un peu sur la corde géographique), Anna R. Gazaille, avec dans chacun de leurs récits la thématique de la tension entre Autochtones et Blancs.

P.-S.S. : Je dois avouer que jusqu’au trois quarts du récit, le montage alternatif, avec deux trames narratives très inégales en longueur (L’histoire de Dana doit faire à peine la moitié de celle de Brigit), m’a quelque peu désarçonné… Mais ça valait le coup d’attendre que l’auteure dévoile ses cartes avec un truc inattendu, astucieux et surtout… plausible !

Norbert Spehner