de Christine Fortier, Denis LeBrun, Jean Pettigrew, Norbert Spehner et François-Bernard Tremblay
Exclusif au supplément Internet (Adobe Acrobat, 1 008Ko) d’Alibis 5, Automne 2002
Dansez-vous l’Oslo ?
Si on connaît assez bien quelques auteurs suédois, notamment les très classiques Sjöwhal & Wahlöö ou le percutant Henning Mankell, on connaît moins, sinon pas du tout (dans mon cas !), les auteurs de polars norvégiens. C’est ainsi que je viens de découvrir les œuvres d’Anne Holt qui, malgré son nom très passe-partout, est une Norvégienne pure fjord qui a été tour à tour inspecteur de police, reporter à la télévision, avocate spécialisée dans les affaires d’enfants et ministre de la Justice. Les éditions Odin ont publié les trois romans policiers de cet auteur, soit La Déesse aveugle (1998), Bienheureux ceux qui ont soif (1999) et La Mort du démon (2002). Le deuxième, dont il est question ici, vient d’être réédité en format de poche dans la collection Points.
En vedette, l’inspectrice Hanne Wilhelsem qui est confrontée à deux affaires difficiles. D’une part, il y a les « massacres du samedi » après lesquels on découvre, en des endroits différents, d’énormes quantités de sang… mais pas de cadavres. Pourtant, mélangé à du sang d’animal, il y a bien du sang humain. D’autre part, une jeune femme est violée dans des conditions atroces et le désir de vengeance de la victime et de son père inquiète l’inspectrice.
Ce thème des victimes (ou des proches) qui veulent se faire justice soi-même apparaît de plus en plus fréquemment dans la littérature policière et cela un peu partout. Au Québec, on en a de bons exemples récents avec le roman de Laurent Laplante, Des Clés en trop, un doigt en moins (L’Instant Même, 2001) et surtout Les Sept Jours du talion, de Patrick Senécal (Alire, 2002).
Le roman d’Anne Holt n’a pas la force de ceux de Mankell, mais on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec les livres du Suédois. Hanne Wilhelmsen fait le même constat troublant que son homologue, le commissaire Wallander : la société norvégienne, tout comme la suédoise, est en train de se transformer, et pas pour le meilleur ! La violence devient incontrôlable alors que le « politiquement correct » et la lâcheté des politiciens et de l’appareil judiciaire découragent les citoyens de plus en plus tentés de prendre les choses en main et de se faire justice eux-mêmes.
Bienheureux ceux qui ont soif est un roman policier de bonne facture, avec un personnage intéressant et un dénouement spectaculaire, qui compensent pour une certaine mollesse de l’intrigue. Par ailleurs, on a un peu de mal à croire que Hanne Wilhelmsen ait pu cacher pendant plus de quinze ans à ses collègues qu’elle vivait avec une autre femme. Après tout, ce sont des flics…
Je terminerai en signalant aux amateurs de polars venus du froid que la maison d’éditions française Gaïa viennent de lancer une collection, « Gaïa Polar », dans laquelle elle a publié deux auteurs norvégiens, Gunnar Staalesen et Fredrik Skagen, ainsi qu’un danois, Leif Davidson. Pour vous réchauffer dans votre igloo ! (NS)
Bienheureux ceux qui ont soif…
Anne Holt
Points, 231 pages.
L’autre vie des choses
Au cours de sa prolifique carrière, l’auteur américain a écrit le meilleur comme le pire. Regard oblique se situe quelque part entre les deux. Ni chef-d’œuvre, ni complet navet, l’énième roman de Koontz souffre de trois maux principaux. Primo, les nombreuses longueurs et descriptions inutiles qui font que l’intrigue avance à pas de tortue. Secundo, la naïveté des dialogues. Les gentils sont tellement gentils qu’ils en deviennent presque stupides. Un exemple parmi tant d’autres : quand Agnès apprend que son fils Bartholomé (Barthy) doit subir une importante opération pour empêcher la prolifération d’un cancer, elle surmonte le choc en l’espace de quelques secondes. On veut bien croire qu’elle doit se montrer forte pour son fils, mais sa générosité et sa sagesse font qu’elle ressemble plus à une sainte qu’à une femme atrocement éprouvée par la vie depuis l’enfance. Une petite colère aurait à tout le moins rendu sa douleur plus réaliste. Tertio, la mièvrerie de la conclusion. Dans le cas de Koontz, rares sont ses romans qui se terminent mal. Mais tout de même, après plus de 500 pages de drames et de meurtres crapuleux, que l’intrigue se dénoue de façon si positive (dans le genre ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants) laisse un goût amer dans la bouche.
Après tout ce fiel déversé à propos de ce thriller paranormal, existe-t-il une seule bonne raison de consacrer plusieurs heures à la lecture de Regard oblique ? Oui. Malgré les points faibles de l’écriture et de l’intrigue, la magie de Koontz opère. Si l’auteur possède une force, c’est certainement celle d’insuffler la vie à ses personnages, les dotant de personnalités à la mesure de leur rôle dans l’histoire. Il prend aussi le temps de développer leur psychologie, ce qui les rend d’autant plus réalistes, malgré une nette tendance de la part de Koontz à aller dans la caricature. Tout en poursuivant l’exploration du thème de la vie après la mort – thème qu’il explore entre autres dans Seule Survivante (Robert Laffont, 1999) –, l’auteur parvient à se renouveler. Incidemment, Regard oblique explore plus particulièrement le sujet des vies parallèles, qu’il justifie par la théorie de la physique quantique selon laquelle chaque geste, bon ou mauvais, a une incidence sur la vie de quelqu’un d’autre, quelque part.
Ainsi donc, la trame de Regard oblique évolue sur quatre plans. Quatre personnages dont le destin s’emmêlera éventuellement, pour le meilleur et pour le pire. Il y a d’abord celui de Junior Cain, un psychopathe dont la cruauté n’a d’égale que sa confiance en lui. Son discours intérieur est d’ailleurs parfois assez drôle. Il est à la recherche d’un certain Barthy. Il ne le connaît pas, mais il est persuadé qu’il doit l’éliminer. Il y a ensuite Tom Vanadium, un détective qui ne connaîtra la paix qu’après avoir mis un terme aux crimes de Junior. Puis, on retrouve Barthy, un enfant prodige qui ressent les autres vies des choses et Ange, une adorable petite fille née d’un viol. Tout comme Tom et Bartholomé, elle perçoit les autres vies des choses.
Après un long chassé croisé à tout le moins intéressant et surprenant, à défaut d’être totalement palpitant, la conclusion est à la hauteur des attentes. Les fans de Dean Koontz y trouveront leur compte. (CF)
Regard oblique
Dean Koontz
Robert Laffont, (Best-Sellers), 516 pages.
À l’anglaise
Il n’y a pas à dire : si pendant fort longtemps l’essentiel de la production britannique en roman policier se conformait au modèle du whodunnit ? à la Agatha Christie, les auteurs de polars anglais contemporains se sont au cours des dernières décennies affranchis de cette formule éprouvée et classique pour investir avec beaucoup d’invention le roman noir, qu’on prenait à tort pour une spécialité américaine. Je n’en voudrais pour preuve que ces trois excellents livres – Une mort à Lisbonne de Robert Wilson, Dans la gorge du dragon d’Eliot Pattison, et Peak Park de Stephen Booth – lus récemment et avec un égal bonheur.
Le livre de Wilson débute en 1941 alors que Klaus Fersen, un jeune industriel allemand, se voit confier par les SS la mission d’établir un réseau de contacts pour l’importation de tungstène du Portugal, minerai extrêmement résistant et essentiel à la production de munitions pouvant traverser les blindages des chars d’assaut. Les Anglais et les Allemands convoitent la production portugaise tandis que les Portugais, qui affichent une saine neutralité dans le conflit, se contentent de profiter de la surenchère. À force de manipulations, de trahisons, de pots de vins et même de meurtres, Fersen se bâtit un petit empire financier qui survivra à la guerre.
Cinquante ans plus tard, à Lisbonne, Catarina Oliveira, jeune fille perturbée aux mœurs légères issue d’une famille bourgeoise, est sauvagement violée et tuée sur une plage. Au contraire de l’inspecteur Ze Coelho qui enquête sur l’affaire, le lecteur devine qu’un lien unit les deux personnages sans en connaître la nature. Au fil du roman les deux histoires se chevauchent et Ze Coelho, en plongeant dans l’histoire de famille de Catarina, reconstituera progressivement le lien entre Fersen et Catarina jusqu’à une finale surprenante. Évocation grandiose de l’atmosphère glauque des heures les plus sombres du nazisme et de ses séquelles contemporaines, Une mort à Lisbonne s’avère un excellent roman noir, complexe à souhait, à l’image de Le Carré (auquel Robert Wilson ne doit cependant rien), et passionnant de bout en bout.
Dans la même surprenante collection Best-Sellers de Robert Laffont, j’ai lu cette année un autre roman noir tout aussi achevé, signé Eliot Pattison, l’étoile montante du genre noir en Grande-Bretagne. Dans la gorge du dragon nous entraîne à la découverte des enjeux politiques et culturels du Tibet contemporain, perçus à travers le prisme de la conscience des moines prisonniers et d’un dissident Chinois d’une colonie pénitentiaire du Tibet occupé par la Chine. Une confrontation mémorable qui oscille de la subtilité à la force brute entre le colonel Tan, chef chinois du camp, et Shan Tao Yun, l’ex-inspecteur de la police pékinoise, prisonnier lui aussi, contraint d’accepter l’enquête sur un cadavre décapité retrouvé dans la montagne, sur fond de grève des moines-prisonniers Tibétains qui considèrent la montagne désormais hantée. Pour le lecteur occidental, ce roman grandiose offre tout un choc culturel. Premier volet d’une série mettant en scène l’inspecteur Shan Tao Yun, Dans la gorge du dragon a valu à son auteur l’Edgar du meilleur roman policier décerné par la Mystery Writers of America en 2000, honneur qu’il n’a décidément pas volé.
Moins costaud et complexe que les deux précédents mais tout aussi captivant, Peak Park, de Stephen Booth, nous entraîne cette fois dans le Derbyshire, sur la lande venteuse et froide de Ringhan, au lieu-dit des neuf vierges, où se trouvent neuf pierres levées, monolithes de l’âge de bronze. La légende raconte qu’il s’agit de sorcières changées en pierre lors d’une danse de Sabbat. Coup sur coup, une femme y est agressée et défigurée, puis une autre assassinée. On retrouve cette dernière dans une pose rappelant une danse. Voilà le décor bien campé pour une enquête, qui mêle le surnaturel et le sordide, menée par Diane Fry, une citadine dure qui ne croit qu’aux faits bruts et qui déteste le monde rural, et par Ben Cooper, fils du pays, humaniste dont les succès reposent sur l’empathie qu’il sait créer. C’est à ce duo improbable que revient donc la tâche de dénouer cette intrigue serrée, après moult rebondissements.
Ce roman noir aux personnages tourmentés mais attachants rappelle les séries télévisées britanniques Fitz et Suspect no 1, deux séries cultes pour les amateurs de noir, un genre où décidément les Anglais excellent. (DL)
Une mort à Lisbonne
Robert Wilson
Robert Laffont (Best-Sellers), 522 pages.
Dans la gorge du dragon
Eliot Pattison
Robert Laffont (Best-Sellers), 454 pages.
Peak Park
Stephen Booth
Le Masque, 453 pages.
Ils shootent et scorent…
Elle est rafraîchissante cette association : foot et polar, sport et crime. Et pas banale dans le monde récurrent du roman dit policier. Le concept de cette nouvelle série, lancée par Adcan édition, un sympathique groupe de Provence, ressemble à celui généré par les éditions Baleine avec Le Poulpe : un nouvel auteur à chaque livre et des héros récurrents à chaque épisode. Il s’agit encore une fois de cette mode que l’on pourrait nommer : littérature sérielle à auteurs multiples (Le Poulpe, Pierre de Gondol, Macno, Moulard).
Boildieu, rédacteur sportif, et Le Che, ancien footballeur devenu photographe, sont dépêchés à Lens, par l’agence Zelda, pour enquêter sur une affaire de pingouins en peluche explosant à la figure des dirigeants du club lensois. Canulars sans grandes conséquences jusqu’au jour où la peluche, bourrée d’explosifs, cause la mort d’un homme. Boildieu et Le Che pourront-ils apprendre quelque chose afin de faire avancer l’enquête sans qu’il n’y ait d’autres attentats ? L’espace d’une partie contre Lille et d’une autre contre l’OM, les deux protagonistes joueront les détectives dans cette ville du Nord.
C’est à l’écrivain et éditeur de l’Écailler du Sud François Thomazeau, qui n’est pas un premier venu, que revient l’honneur de commettre le premier titre de la série dirigée par Jean-Paul Delfino : Sang et Mort. Sang et mort pour sang et or, les couleurs du RC Lens, un club fondé à l’époque de l’exploitation des mines de houilles dans Le Nord-Pas-De-Calais. Lancée juste à temps pour la Coupe du monde (Corée-Japon) 2002, la série braque son attention sur un nouveau club de football français (uniquement français pour l’instant) à chaque livre. Si c’est le RC Lens qui donne le coup d’envoi à cette jolie collection, quatre autres titres sont déjà parus : Verts comme l’enfer (AS. Saint-Étienne), Y’a plus de sushi pour les bleus (Équipe nationale de France), Droit aux brutes (OM-Olympique de Marseille), Comme un Lyon en cage (OL-Olympique de Lyon). Et bien d’autres sont prévus. Chaque livre est préfacé par une personnalité ; dans le cas du livre de Thomazeau, c’est Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour de France et fan du RC Lens qui appose sa griffe sur le texte de présentation. Et ce premier de collection est une réussite. Thomazeau a certes beaucoup d’humour et il mène de main de maître cette enquête policière pleine de rebondissements, ironiquement écrite pour un club du Nord par un gars du Sud.
L’emploi d’une police de caractère sans empattement, qui rendait parfois la lecture agaçante dans les trois premiers livres de la série, est heureusement corrigé par l’éditeur dès le quatrième titre. Bravo ! Compte tenu du nombre sans cesse croissant de jeunes footballeurs au Québec et du nombre d’amateurs de soccer de salon, la collection devrait intéresser bon nombre de lecteurs en attendant l’Euro 2004 ou le prochain Mondial en 2006. (FBT)
Sang et Mort
François Thomazeau
Adcan (Footpolar), 220 pages.
Allez, les Verts, allez… !
Un quart de siècle après avoir soulevé la France entière, « Les Verts » fêtent : réunion d’équipe, cocktail, conférence de presse etc. Mais les Verts de l’AS. Saint-Étienne fêtent quoi au juste ? Ils ont perdu en finale de la Coupe d’Europe en 1976. Ils ont bien gagné les parties menant au match contre le Bayern, mais dans les faits, ce sont des perdants. Mais des perdants glorifiés avant même le coup d’envoi. Et puis, il y a cet ancien joueur retrouvé mort la journée de la commémoration. Aurore de Valandré, la matrone de l’Agence Zelda, envoie son reporter, Francis Boildieu, et son photographe, Pascal Exebarria dit Le Che, au pays de Charles Exbrayat, dans le midi de la France, pour étudier l’affaire et devancer les journaux rivaux. Mais pour les enquêteurs en herbe, rien ne semble coller, jusqu’à ce que des disparitions viennent guider les deux journalistes sportifs dans leur enquête.
Verts comme l’enfer est le deuxième titre de la collection Footpolar et comme pour le premier de la série, il s’agit là encore d’une réussite. Pierre Serisier présente de belle façon les éléments de l’intrigue, alternant les points de vue : d’un côté l’enquête menée par Boildieu et Le Che, de l’autre la psychologie et la motivation de l’assassin. Sur le plan historique, on apprend beaucoup de choses sur le passé des Verts mais, à l’inverse, très peu sur la situation actuelle du club de première division, si ce n’est qu’ils sont encore des perdants. Le livre est préfacé par Laurent Paganelli, ex-footballeur professionnel devenu journaliste à Canal +. Une chose est sûre, vous apprendrez à la fin, comme le disait la chanson : « Qui c’est les plus forts ? Évidemment, c’est les Verts ! » (FBT)
Verts comme l’enfer
Pierre Serisier
Adcan (Footpolar), 176 pages.
Chinoiseries pour Momo la déveine
J’ai horreur du « causer » hexagonal contemporain. C’est vrai quoi, putain de bordel de merde, ce mélange navrant et de moins en moins subtil d’argot conventionnel, de verlan (frit), de keufs, de meufs et autres zeufs, d’améri(mé)canismes divers, d’anglischismes et d’arabismes bêlants ou beurants me hérisse le poil. C’est pourquoi j’ai bien failli laisser tomber More is less, de Chantal Pelletier, après quelques pages de supplice linguistique. J’aurais eu tort… Très tort, comme disent les Anglais à l’espion démasqué !
Momo, c’est l’inspecteur Maurice Laice (que sa supérieure appelle More is less), qui se décrit comme « infirme de la tête et de la queue » mais qui, tout compte fait, n’est pas si abruti qu’il voudrait nous le faire croire. Ça n’est pas un battant non plus. Attention, ce polar est un roman noir, très noir, avec des apparences trompeuses. Au départ, il y a une enquête de routine sur le meurtre bizarre d’un vieux Chinois qui n’a jamais fait de mal à personne. De plus, Momo doit s’intéresser de plus prêt à des ados en difficulté (taxage, menaces, tortures), et puis… et puis… ça dérape, ça bascule. Dans l’horreur… Une affaire de routine, somme toute assez banale, se transforme en cauchemar absolu. Le lecteur a soudain l’impression d’avoir embarqué sur un toboggan dont la pente, d’abord pépère, va en s’accentuant avant de nous précipiter dans un véritable abîme d’injustice, d’incompréhension, avec à la clé des meurtres, du sadisme, des personnages complètement déjantés et une folle envie de ruer dans les brancards. Les dernières pages sont très dures, voire atroces ! On se dit que ça ne se peut pas… Hélas oui, ça se peut ! Du coup, on comprend pourquoi Chantal Pelletier a pu remporter le Grand prix du roman noir de Cognac 2001 avec Chant du bouc, qui avait été précédé de Eros et Thalasso, où survivait le même Maurice Laice. Après Trouble fêtes (un recueil de nouvelles), ce roman est sa quatrième Série Noire. (NS)
More is less
Chantal Pelletier
Gallimard, (Série Noire), 219 pages.
Le Coup du coucou fou
Je n’ai encore jamais lu un mauvais roman de Lawrence Block, mais bon sang de bonsoir, il a parfois cette manie de faire traîner en longueur le début de ses intrigues de façon désespérante. Dans Trompe la mort, Block revient avec Matt Scudder, son détective lacordaire qui, à son habitude, ne manque pas une réunion des AA. L’homme a toujours ses problèmes existentiels – cette fois, son ex-femme décède, ce qui amène une bien étrange rencontre entre le père et ses deux fils.
Pendant ce temps-là, il y a cette histoire d’un couple bien nanti de New York qu’on a assassiné dans leur belle grande maison. Ils revenaient d’un souper concert auquel avait assisté Scudder et ont surpris les deux voleurs. Or, ces derniers ont été retrouvés, morts, l’un ayant tué l’autre avant de s’enlever la vie. Alors l’affaire est réglée, non ?
Non! Du moins pas pour Scudder, car tout ça lui semble bien trop net, trop bien « organisé ». Avec son jeune acolyte T. J., qui lui dégote toujours d’excellents tuyaux, le détective à la retraite remonte donc une piste qui n’existe pas vraiment, cherchant la petite bête ou le petit détail qui viendrait étayer l’idée qui lui trotte sans arrêt dans la tête : et s’il y avait eu un troisième homme ?
Je ne brûle pas un punch en vous révélant qu’il y en a effectivement un, troisième homme – une deuxième trame narrative nous le présentera incessamment –, et pas n’importe lequel. Si je vous dis ça, c’est aussi pour que, après plus d’une centaine de pages où il ne se passe rien, vous ne vous découragiez pas. Car Block est ainsi fait: il peut littéralement vous endormir, mais lorsqu’il vous réveille, attention !
Trompe la mort vaut le détour en raison des deux cents dernières pages, quand la chasse à l’usurpateur est enfin lancée. Croyez-moi, vous n’oublierez pas de sitôt ce coucou de première, à côté duquel le bon vieux Ripley de Patricia Highsmith, pourtant assez inquiétant dans son genre, fait littéralement figure d’enfant d’école. À donner froid dans le dos ! (JP)
Trompe la mort
Lawrence Block
Seuil, (Policiers), 363 pages.
Priez porno, pauvres lecteurs…
Que les gougous lubriques se calment : Épitaphe pour une star du porno n’est pas le premier volume d’une nouvelle collection érotique, mais un authentique polar signé par nul autre que Jeffery Deaver, ce maître de l’intrigue tordue et du rebondissement spectaculaire (je ne parle pas ici des attributs de la star du porno, mais du récit !).
Son personnage principal s’appelle Rune, une jolie (et forcément énigmatique) jeune femme qui rêve de devenir réalisatrice de cinéma. Une explosion dans un cinéma porno de Times Square lui inspire une idée : consacrer un film à Shelly Lowe, une grande star du porno. Mais alors qu’elle a recueilli les confidences de Shelly, dont l’ambition est de devenir une véritable comédienne, cette dernière est tuée par l’explosion d’une seconde bombe. Les attentats sont revendiqués par une secte inconnue qui laisse des messages tirés de l’Apocalypse sur les lieux de ses forfaits.
Bouleversée, Rune se jure de découvrir la vérité sur cette mort tragique, d’autant plus que la police semble se traîner les pieds. Pour les flics, faire exploser un cinéma porno et tuer une des actrices, ça ressemble un peu à une entreprise de salubrité publique, alors… Rune, plus têtue qu’un régiment de mules, ne l’entend cependant pas de cette oreille. Elle plonge dans une enquête qui va se révéler riche en surprises de toutes sortes et cela jusque dans les toutes dernières pages. Heureusement, elle aura un bon coup de main d’un spécialiste du déminage qui n’est pas insensible à ses charmes (et réciproquement).
Dans ce livre, Jeffery Deaver a délaissé Lincoln Rhyme, le personnage principal du Désosseur, qui revient cependant dans La Place du mort, qui paraît simultanément chez Calmann-Lévy. Épitaphe pour une star du porno est un inédit directement publié en édition de poche. L’édition originale date de 1990, mais le roman n’a pas pris un pli. On y retrouve le New York de la belle époque, telle que cette ville était avant que les curés et autres puritains de la nouvelle droite américaine ne viennent y faire le ménage et ne l’aseptisent à mort. (NS)
Épitaphe pour une star du porno
Jeffery Deaver
Livre de poche, 350 pages.
Mise à jour: Janvier 2003