Camera Oscura 35

Christian Sauvé, avec la collaboration spéciale de Norbert Spehner

Exclusif au volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.05Mo) d’Alibis 35, été 2010

Le printemps est une saison difficile à définir dans le calendrier du cinéphile. Trop loin de la respectable saison hivernale des Oscars, pas suffisamment réchauffé pour les foules estivales, généralement peu reconnu pour du cinéma sérieux au même titre que l’automne : malgré un début d’été hollywoodien de plus en plus hâtif, le printemps met en vedette un peu de tout et de rien, avec les risques que cela implique. La saison 2010 n’a pas dérogé à la règle, présentant un ensemble de films qui semblaient s’entendre pour aborder des prémisses familières sous des angles légèrement différents.

Camera Oscura a souvent répété que ce n’est pas la prémisse qui importe autant que son exécution, et la moisson du trimestre offre nombre d’occasions de mettre ce refrain à l’épreuve. Entre une comédie romantique pour vieux couple, un western à la canadienne, un Robin des Bois boueux et une héroïne tatouée, cette chronique a eu son lot de plaisirs iconoclastes ! Mais au-delà de tordre des schémas narratifs conventionnels, est-ce que les films du printemps s’avèrent satisfaisants ? Menons l’enquête.

Étranges couples

Tels des cuisiniers se fiant constamment aux mêmes épices, les scénaristes ont tendance à saupoudrer n’importe quel type de scénario d’une histoire d’amour ou deux. Habituellement, les films imbriquent intrigue et romance, de façon à ce que la résolution de l’énigme, la défaite du super-vilain ou bien la victoire sportive soit accompagnée de fiançailles imminentes. La romance étant une des émotions les plus puissantes à la disposition de l’écrivain, on ne reniera pas cette tendance autant que son application paresseuse et sans discernement. On en vient à attendre avec impatience les intrigues dépassant l’évidence du nouveau couple triomphant des obstacles devant lui.

 [Couverture] La comédie Date Night [Méchante Soirée] arrive donc comme une bouffée d’air frais, non seulement pour la qualité des répliques de son scénario et le talent du duo comique y tenant l’affiche (Tina Fey et Steve Carell), mais d’abord pour l’intérêt de sa prémisse.

Car le film commence en présentant le couple Fey/Carell, marié depuis longtemps, avec la perte d’intérêt romantique, les habitudes domestiques désagréables et les doutes qui accompagnent une telle union, surtout lorsqu’un couple d’amis annonce sa séparation. Nos mariés du New Jersey décident donc de se payer une sortie dans un restaurant new-yorkais huppé, où ils espèrent rallumer la flamme de leur union en sortant de leurs habitudes. Le restaurant étant complètement réservé depuis belle lurette, ils finissent par se faire passer pour un autre couple. Hélas, ils n’auraient pu choisir pire identité, car ils sont bientôt pris en chasse par un dangereux duo convaincu de leur implication dans une sombre histoire de chantage. Le premier acte du film se termine par la révélation fortuite que ceux qui sont à leurs trousses sont des policiers corrompus. Comment nos banlieusards réussiront-ils à se tirer d’affaire avant l’aube ?

Bien entendu, les dynamiques sont fondamentalement différentes entre de vieux mariés et entre ceux qui viennent de se rencontrer. Un des meilleurs traits de Date Night est la complicité rodée entre Fey et Carell qui, jouant des personnages déjà assez drôles d’esprit, s’échangent des répliques astucieuses à un rythme enjoué.

Contrairement à plusieurs autres films, les protagonistes ne sont pas bêtes et redoublent d’initiative pour tenter de trouver des réponses à leurs questions. C’est ainsi que l’on en viendra à voir des visages familiers, tels Ray Liotta, William Fichtner, James Franco, Mila Kunis et Mark Wahlberg (torse nu, évidemment), se succéder à l’écran dans des rôles brefs mais mémorables. Quelques scènes d’action ridicules apportent un divertissement supplémentaire au film, question de fournir une excuse de plus à Fey et Carell pour hurler à pleins poumons.

On n’ira toutefois pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’un film finement ficelé : il y a quelques longueurs et plusieurs coïncidences impardonnables en chemin. Mais Date Night est, chose rare, une comédie loufoque destinée à des publics un peu plus sagaces que les foules adolescentes : la différence se fait sentir dans un scénario qui ne se prive pas de blasphèmes, de violence ou de situations risquées, mais qui ne se vautre pas dans ces éléments, tout en ayant quelque chose à dire sur les relations de couples. Bref, un film à recommander aux ménages qui veulent se payer une bonne soirée sans nécessairement se laisser traquer par des criminels et policiers corrompus.

 [Couverture] Ceci dit, on recommandera de ne pas faire suivre le visionnement de Date Night par celui de The Girl With The Dragon Tattoo [Millénium – Le film], tant le ton des deux films diffère. De la comédie, on passe au thriller sombre. Du New York estival, on aboutit à l’hiver suédois profond, là où est né le phénomène de publication Millenium sous la défunte plume de Stieg Larsson. Pour le public canadien-français, la parution américaine du premier film de la trilogie Millenium avait la saveur d’une vieille nouvelle, un an après sa parution québécoise et au moment où le troisième film se préparait à tapisser les grands écrans québécois. Pour le vaste public anglophone, en revanche, c’était une occasion de découvrir une œuvre qui a conquis une bonne partie du monde occidental.

Ceux qui sont déjà familiers avec le roman reconnaîtront sans peine la prémisse : dans un coin, un journaliste, mis aux oubliettes après avoir été condamné pour diffamation, est engagé par un riche industriel pour enquêter sur une disparition vieille de quarante ans. Dans l’autre coin, une brillante pirate informatique semble incapable de vivre en société. Ensemble, ils en viendront à enquêter sur une terrible succession de tragédies.

Mais l’enquête n’est qu’une petite partie de Millénium 1, et une bonne partie du plaisir du film se trouve dans les traits spécifiques des personnages et les détails de fond d’un thriller nordique. Car la provenance suédoise de Millénium 1 a peut-être de quoi expliquer plusieurs particularités du déroulement de l’intrigue : il se passe un long moment avant que ne débute l’enquête policière, encore plus longtemps avant que les personnages principaux ne décident de faire équipe, et l’épilogue semble s’éterniser après une confrontation finale avec l’antagoniste du film. Et ce, même après que le scénario du film a resserré les ficelles encore plus décousues du roman d’origine.

Il y aurait de quoi s’impatienter, surtout que le film dure autour de deux heures trente… si ce n’était du charme épineux des deux personnages principaux, ou bien des détails à la fois compréhensibles et particuliers d’une enquête prenant place en Suède. Le rythme de Millénium 1 n’est pas lent, il est plutôt assuré et confiant en ses forces.

L’adaptation est réussie, même si beaucoup de détails procéduraux sont restés dans les pages du livre (on dit qu’une version plus longue du film, conçue pour une diffusion à la télévision, offre plus de détails) et le plus grand triomphe du scénariste aura été de conserver une bonne partie du charme inusité des personnages. La hacker antisociale Lisbeth Salander est une création inspirée, et Noomi Rapace parvient à en conserver tout l’intérêt. À ses côtés, Michael Nyqvist, en Mikael Blomkvist, réussit à présenter avec conviction un rôle d’enquêteur passablement plus complexe que ce que l’on est habitué à voir.

Ceci dit, on insistera également sur le fait que le scénario réussit à conserver les thèmes relativement sombres qui imprégnaient le roman de fortes tendances politiques progressistes. Car si le titre anglophone du film l’obscurcit, il ne faut pas oublier que le sous-titre de l’œuvre en territoire non américain est bel et bien « Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes ». De la brutalité subie par Salander jusqu’au sort des victimes du meurtrier en série qui rôde derrière les scènes du film, Millénium 1 ne tente pas de cacher son indignation au sujet de la violence contre les femmes.

Ce n’est pas un accident si Blomkvist, que les dames trouvent irrésistible, semble incapable de poser un acte de violence – ou si Lisbeth s’avère la plus redoutable des deux protagonistes. Cette emphase thématique dépasse de loin le souci narratif d’appuyer le texte par un sous-texte approprié. Elle permet aussi de mieux tolérer certaines des séquences les plus brutales du film et d’expliquer la popularité de la trilogie : Millenium prend place dans un univers dur, mais ultimement moral… et ce, quelle que soit la durée entre l’offense et la rétribution. Reste à voir les suites, et si Salander et Blomkvist réussiront à s’apprivoiser.

Car il y a une raison pour laquelle il est possible de parler de Millénium 1 dans le même souffle que Date Night sans crier au sacrilège : Millénium 1 aussi, à sa manière, discute de relations de couple d’une façon différente de celle que l’on est habitué de voir au cinéma : les mêmes forces de personnalité des personnages, qui en font de remarquables créations, font également en sorte qu’ils ne pourront jamais rester bien longtemps ensemble… Lui aime trop, alors qu’elle refuse toute affection. Et si le film se termine sur une note beaucoup plus optimiste que l’épilogue impitoyable du premier roman, on sait déjà que la relation entre les deux n’aura rien d’un conte de fées. De quoi se jeter sur le reste de la trilogie (sur papier ou DVD) et redouter l’imminent remake hollywoodien…

Au-delà de la légende

Plusieurs lecteurs de Camera Oscura prendront un coup de vieux en réalisant que la dernière version sérieuse sur grand écran de la légende de Robin des Bois, Prince of Thieves, est parue en 1992 et est maintenant plus vieille que la plupart des adolescent(e)s qui pullulent au cineplex. Le personnage étant depuis longtemps passé dans le domaine public, il y avait de quoi se demander pourquoi il a fallu tant de temps avant de voir une nouvelle version. Mais attention : ce qui est paru en 2010 a une saveur bien différente de ce que nous avons pu voir au sujet de Robin des Bois jusqu’ici. Le réalisateur Ridley Scott laisse de côté la légende pour présenter un regard soi-disant historique non pas sur ce que tous connaissent du personnage, mais sur ses origines.

 [Couverture] Car Robin Hood [Robin des Bois] de Ridley Scott pose la question : d’où vient Robin des Bois ? Où et comment a-t-il développé ses talents d’archer ? Qu’est-ce qui lui confère une telle autorité morale ? Pourquoi décide-t-il de lutter contre le roi ? Le scénario de Brian Helgeland (chaotiquement développé à partir d’un tout autre scénario intitulé Nottingham) s’intéresse donc à un humble soldat de l’armée de Richard Cœur-de-Lion, un archer qui finit par faire défection après la mort dudit Cœur-de-Lion pendant l’assaut d’un château français. Mais sa fuite est interrompue par la découverte de soldats français sur le point de se saisir de la couronne royale, et c’est à ce moment qu’il doit assumer une autre identité, retourner à Nottingham pour honorer une promesse faite à un chevalier mourant, rencontrer dame Marianne et se buter aux caprices du vil roi Jean d’Angleterre. Avant la fin du film, Robin des Bois aura redécouvert son digne pedigree, proposé la Magna Carta, repoussé une invasion française et récolté la haine personnelle du roi Jean. C’est alors que la légende s’amorce, nous dit-on, tandis que le générique de la fin du film commence à dérouler.

Mettons de côté ce détail, soit le fait qu’un film au sujet de Robin des Bois ne le présente qu’à la toute fin… Deux forces contradictoires finissent par miner les ambitions de Robin Hood. La première est le souci de présenter une version « historique » des aventures de Robin des Bois, donc de soustraire l’aspect légendaire à la légende. Tel King Arthur, qui avait plongé plus d’un spectateur dans l’ennui profond, Robin Hood finit par recouvrir ses décors de suie et ses acteurs de poussière dans sa volonté de nous rappeler l’aspect déplaisant de l’époque. Le tout donne parfois l’impression de faire ses devoirs, transformant un sujet intéressant en matière à étude. Robin Hood passera peut-être à l’histoire comme une des présentations les plus historiques du personnage, mais aussi comme une des plus longues et lourdes à supporter. Frôlant deux heures trente, Robin Hood imite le précédent Kingdom of Heaven de Scott en livrant une fresque historique sans surplus de grâce ou d’énergie.

Ce qui rend d’autant plus gênant l’autre problème du film, soit de remplacer une légende tout à fait honorable par des clichés hollywoodiens. La substance historique de Robin des Bois est, selon les historiens, presque nulle : un film voué à son exactitude historique ne peut que faire des allusions dramatiques à la situation historique et tout inventer au sujet du personnage.

C’est pourquoi, quand la finale du film prend place en face des falaises de Dover, alors que les forces françaises envahissent l’Angleterre à la manière du débarquement de Normandie, on ne sera pas vraiment étonné de crier à la supercherie historique. Encore moins lorsque dame Marianne se retrouve en plein milieu des combats, bonne à être secourue par le héros et à lui fournir l’excuse idéale pour abattre son adversaire principal. D’autres inexactitudes historiques pullulent et feront ricaner ceux qui connaissent mieux la période. Peu importe ses meilleures intentions, Hollywood ne peut jamais résister bien longtemps aux connivences dramatiques.

Le rythme boueux de Robin Hood, tout comme son allégeance hypocrite à une certaine conception du « réalisme », ne parvient toutefois pas à masquer une certaine ambition sur le plan de la présentation.

On dira ce que l’on veut du manque d’énergie des films historiques de Ridley Scott, il faut tout de même reconnaître que c’est un des rares cinéastes à s’attaquer à des films aussi ambitieux. De plus, comment critiquer Russell Crowe dans le rôle éponyme, ou bien Cate Blanchett en dame Marianne ? Mais cela sera un bien mince réconfort pour ceux qui, saisissant le DVD sous la fausse promesse du titre, attendront jusqu’à la fin du film avant de voir émerger la légende familière. Pour faire allusion à une citation connue : si la légende est plus intéressante que la vérité, filmez la légende.

 [Couverture] Mais il est également possible de trop verser dans le mythe, et c’est ainsi que Gunless [voa] se vautre un peu trop dans la grande narration mythique canadienne pour être pleinement satisfaisant. énième œuvre avec Paul Gross à renforcer des thèmes d’identité nationale après, entre autres, la série Due South, la sympathique ode au curling Men With Brooms, le thriller paranoïaque H20 et le drame de guerre martyrisé Passchendaele, Gunless a une idée toute simple derrière la tête : s’attaquer au western américain en l’amenant au Canada, calme royaume des gens raisonnables et non armés. Que de rires en perspective…

C’est ainsi que lorsqu’un aventurier américain (Gross) se retrouve au Canada, celui-ci constate que le fusil ne fait pas la loi. Un ensemble peu convaincant de péripéties l’amène à demander un duel avec le forgeron local, mais l’absence d’un deuxième pistolet dans la petite ville de l’ouest où il a échoué retarde les choses, et il finit par attendre impatiemment la reconstruction d’une deuxième arme provenant d’une jolie veuve qui cherche à ériger son moulin. Pourchassé par des Canadiens incurablement curieux et des Américains irréductiblement mauvais, notre héros finit par se buter aux Mounties locaux, se faire aux mœurs canadiennes et protéger le village de ses ennemis.

Si ce résumé vous semble bien terne, imaginez le film : quatre-vingt-dix minutes de flatterie d’ego national dans le bon sens du poil de castor, vraisemblablement conçues pour plaire aux organismes subventionnaires. Paul Gross est sympathique, la veuve et les montagnes avoisinantes sont toutes bien jolies… alors pourquoi Gunless donne-t-il l’impression d’être revenu en enfance, de subir des œuvres non pas pour leur valeur intrinsèque, mais parce qu’elles sont « bonnes pour nous » ?

Ceux que le nationalisme bon enfant du Canada anglais a tendance à amuser ne seront pas plus convaincus par ce film immodeste fait par et pour les tatoués à la feuille d’érable. Le niveau comique du film, à peine plus raffiné qu’une sitcom de bas étage, ajoute à l’impression du film qui pense survivre par la seule force de ses bonnes intentions. Le film ne rechigne pas à montrer les Canadiens fascinés par le danger posé par un Américain et laisse tout de même son héros se faire tabasser par des Mounties frustrés, mais l’essentiel semble tellement enfantin que l’on en vient à se demander si le scénario a vraiment été écrit pour adultes.

C’est une chose que de vouloir plaire à un public, mais c’en est une autre que de le traiter comme des enfants.

À un niveau plus abstrait, il y a également une contradiction dramatique à tenter de livrer un western à la manière canadienne, car la grande légende canadienne de « Paix, ordre et bon gouvernement » contredit fondamentalement la notion qu’on puisse la présenter de manière dramatique. Alors que le grand mythe américain véhiculé par le western parle de combats entre bien et mal absolu, le mythe canadien en est un de négociation, de petites ententes polies, de savoir-vivre civilisé. De telles notions sont mal abordées dans le cadre d’une bête comédie de bas étage, si bien que l’on en vient à anticiper le revirement du scénario en mode américain (car tout western doit bien se terminer en fusillade), puis à rester sur sa faim alors que l’on réalise que toute la bataille n’aura aucune conséquence grave – ainsi le veut la logique des comédies, et Gunless ne fait pas exception.

Tout cela fait en sorte qu’il est moins intéressant d’examiner Gunless comme film que comme un autre élément dans l’œuvre nationaliste de Gross – qui, subtilement, est devenu un des cinéastes les plus irréductiblement canadiens du moment.

Plutôt ennuyeux, pas particulièrement drôle et généralement trop fier de la supériorité des valeurs canadiennes, Gunless ne dit rien de bien intéressant et ne le fait pas de manière beaucoup plus fascinante. Même ceux qui sont favorablement prédisposés envers le message, les thèmes et les prestations de Paul Gross trouveront que les vertus nationales sont mieux servies par une humble modestie.

Comics légers, comiques frivoles

En cette ère de « propriété intellectuelle » et de « franchise multimédia » à exploiter, le cinéma tire ses sources d’inspiration d’un peu partout. Les livres ? évidemment. Les bandes dessinées ? De plus en plus. Les sketches d’une émission de variétés ? Hum…

 [Couverture] Car MacGruber [voa] est bel et bien adapté d’une série de courts sketches diffusés dans le cadre de la série Saturday Night Live ; chaque sketch a un déroulement quasi identique, alors qu’un agent secret inspiré de MacGyver a une vingtaine de secondes pour désamorcer une bombe. Quelques complications comiques s’ensuivent, habituellement motivées par l’obsession du personnage central pour un sujet anodin, et la bombe explose, mettant fin au sketch. Répétez trois fois par épisode.

Si vous avez de la difficulté à vous imaginer comment ce genre de matériel-source mène à un long-métrage de quatre-vingt-dix minutes, sachez que vous n’êtes pas les seuls. La solution choisie par les scénaristes est celle de la parodie du film d’action : pourquoi ne pas faire de MacGruber un agent imbu de lui-même, mais fondamentalement incompétent ?

évidemment, une telle approche n’est plus très fraîche, entre OSS-117, Johnny English, Get Smart et autres. MacGruber tente de se distinguer à la fois de ses prédécesseurs et de ses origines télévisuelles en misant sur la violence, le langage cru et les références grivoises. Le film est destiné aux adultes pour de bonnes raisons.

Le pari est risqué… et finit par agacer plus que plaire. Ne renions pas qu’à son meilleur, MacGruber finit par frapper quelques cibles et arracher sa part de sourires. La crudité du scénario fait parfois ricaner d’audace, alors que la succession de gags des plus lamentables finit inévitablement par récolter quelques sourires. Mais MacGruber doit constamment œuvrer contre un handicap : celui d’un protagoniste niais et déplaisant. Son incompétence est exaspérante : difficile de sympathiser avec lui, ou avec ses deux comparses qui doivent subir les conséquences de ses manques de jugement.

De plus, cet irritant est multiplié par des problèmes de réalisation et de montage plus sérieux. Le scénario étire chaque blague comme s’il s’agissait d’un moment précieux. Le montage est beaucoup trop indulgent et semble volontairement faire des pauses pour des rires qui ne viennent pas toujours. Comme dans Saturday Night Live, quelques blagues efficaces (comme ce que MacGruber est prêt à faire pour reprendre son enquête) sont étirées si longtemps qu’elles finissent par ne plus être drôles. Le film ayant été réalisé avec un budget dérisoire, les limites des moyens disponibles pour le réalisateur sont souvent apparentes, qu’il s’agisse de scènes visiblement réalisées sans grands moyens ou bien de plans de transition manquants dont la narration visuelle aurait bénéficié.

Bref, pas de quoi se précipiter au club vidéo ! On reconnaîtra malgré tout que certains acteurs s’en tirent plutôt bien (Val Kilmer semble particulièrement s’amuser dans le rôle du vilain) et que, conceptuellement, MacGruber a quelques moments de candeur rafraîchissants. Mais l’exécution bâclée du film finit par miner les meilleures intentions. évidemment, les amateurs d’humour grivois y trouveront plus leur compte que ceux qui préfèrent un peu plus de dignité dans leur lecteur DVD.

 [Couverture] Non pas que l’on boudera nécessairement des œuvres indignes si elles sont bien menées ! The Losers [Losers], adapté d’une bande dessinée américaine, se range carrément dans la catégorie du film d’action fou, furieux et un peu bête. Mais attention : astucieusement réalisé, ce type de film s’avère l’antidote parfait à un tas d’alternatives beaucoup plus pénibles. Se prenant rarement au sérieux, The Losers présente une belle équipe de personnages, puis les projette au sein d’un complot global et d’une succession de scènes d’action de plus en plus invraisemblables.

La prémisse est d’une simplicité admirable : laissés pour morts en Amérique du Sud après avoir vu des choses qui ne les concernaient pas, nos cinq dangereux héros décident de se venger en traquant « Max », le mystérieux maître-espion qui a ordonné leur assassinat. L’arrivée d’une femme aussi mystérieuse que dangereuse leur donne non seulement l’opportunité de revenir aux états-Unis mais aussi de retracer la piste de leur ennemi. Les péripéties en cours de route incluent le vol d’un hélicoptère militaire, le cambriolage d’une fourgonnette blindée, une intrusion en gratte-ciel ennemi et une finale spectaculaire en plein port commercial impliquant armes de destruction massive nouveau genre, avions, motocyclettes et piles de billets de banque.

Cet amas d’improbabilités est peu plausible, mais The Losers peut au moins compter sur quelques atouts pour faire passer la pilule. Les personnages sont bien typés, et il n’est pas déplaisant de passer un moment en leur compagnie. Entre autres, on remarquera Chris Evans en hacker aussi athlétique que sarcastique, Jeffrey Dean Morgan comme solide chef d’équipe et Zoe Saldana comme femme aux multiples identités. De plus, la réalisation de Sylvain White semble parfaitement adopter le rythme rapide et énergique de la bande dessinée d’origine, présentant une aventure aux couleurs vives et aux plans variés.

L’ironie, en fait, c’est que la bande dessinée originale reste nettement plus sombre que son adaptation au grand écran : alors que le film s’inspire assez librement des premiers deux cinquièmes de la série publiée chez Vertigo, il escamote les ambitions géopolitiques assez poussées de l’original, biffe la critique de la politique étrangère américaine du début du siècle, diminue l’aspect globe-trotter de l’intrigue et présente un antagoniste un peu plus bouffon. Le scénario de James Vanderbilt et Peter Berg (ce dernier étant déjà connu pour avoir été aux commandes de The Rundown et The Kingdom) conserve assez habilement des bribes de dialogues originaux et ajoute quelques échanges plutôt amusants.

La conclusion assez sombre de la BD laisse place à une finale cinématographique amusante qui laisse la porte grande ouverte quant à la possibilité d’un deuxième film.

Ce qui n’est pas nécessairement inévitable : The Losers n’a pas trouvé son public au grand écran, et même le petit budget bien employé du film n’est pas une garantie de réussite financière. Néanmoins, on y reconnaîtra un bon petit film d’action sans prétention qui donne une belle place aux acteurs, ainsi qu’à une technique de réalisation dynamique sans être incohérente. De plus, comment résister à un film d’action américain qui se paie une blague au sujet d’un personnage né au Québec ?

Si c’est de l’action sans complications qui vous amène au club vidéo, il y a de bien pires choix sur les étagères.

Bientôt à l’affiche

L’été commence au moment d’écrire ces lignes et entraînera avec lui son lot habituel de films légers. Les couples continuent d’être à l’honneur entre les nouveaux mariés Heigel/Kutcher dans Killers et les mystérieux Diaz/Cruise dans Knight and Day. Puis, ce sera au tour des films d’action de se multiplier, entre le remake de la série télévisée The A-Team et le film-hommage The Expendables, qui met à l’écran non seulement une série d’icônes d’action, tels Stallone, Statham, Li, Lundgren et Rourke, mais aussi Willis et Schwarzenegger dans des rôles mineurs. Entre-temps, à New York, Angelina Jolie nous plonge en pleine confusion explosive dans le thriller paranoïaque Salt alors que deux policiers du NYPD avec plus d’ambition que de talent tentent de devenir des émules de leurs idoles dans la comédie The Other Guys. Pour ceux à la recherche de polars plus traditionnels, il y aura toujours Takers pour boucler la saison estivale en s’intéressant à des voleurs de banque ambitieux.

En attendant le retour des températures modérées et des films plus sérieux, bon cinéma !

Mise à jour: Juillet 2010

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