Présentation du numéro 57
Mine de rien, nous sommes en 2016 et ce numéro ouvre la quinzième année d’existence du seul périodique francophone à offrir un lieu de création réservé essentiellement aux littératures policières.
Lorsque Stanley Péan, Jean-Jacques Pelletier, Norbert Spehner et moi avons décidé à la fin de l’année 2000 de lancer Alibis, notre but était de favoriser l’émergence d’un « milieu » polar au Québec, un peu comme la revue Solaris avait permis, dans les années 70, de fédérer celui de la science-fiction et du fantastique québécois. Pour ce faire, deux éléments nous apparaissaient alors incontournables : il fallait assurer aux auteurs (accomplis ou en devenir) un espace conséquent où publier le fruit de leur travail, mais aussi proposer à nos futurs lecteurs – oui, vous qui me lisez présentement ! – un solide volet critique sur ce qui paraît chaque trimestre dans nos domaines de prédilection.
Mine de rien, nous sommes en 2016 et vous constaterez, à la lecture des articles d’André Jacques, « L’Année 2015 du polar québécois », et de Norbert Spehner, « Le Polar québécois : bilan de santé objectif, diagnostic critique subjectif », que le but que nous nous étions fixé est manifestement atteint !
Bien entendu, si le polar québécois se porte bien, ce n’est pas en raison de nos seuls efforts. D’autres intervenants ont mis l’épaule à la roue, je pense entre autres aux organisateurs du Prix Saint-Pacôme du roman policier, à la dynamique équipe qui assure le succès des Printemps meurtriers de Knowlton, et je m’en voudrais d’oublier ces libraires qui, telle Morgane Marvier, qui fait partie de notre équipe de critiques, ont propagé la bonne parole et fait en sorte que si le rayon polar des librairies a toujours été l’un des plus performants, la proportion de polars québécois qui s’y vend a plus que décuplé au cours de la dernière décennie.
Quant à Alibis, un regard dans le rétroviseur me démontre que la direction littéraire (Martine Latulippe, Pascale Raud et moi, Stanley Péan ayant quitté après six ans de bons et loyaux services) a réussi à composer, numéro après numéro, des sommaires riches en fictions de grande qualité. Le volet « articles et essais » n’a pas été en reste, merci à Jean-Jacques Pelletier et Norbert Spehner, mais aussi à plusieurs autres spécialistes des littératures policières. Quant au volet « recensions », au regard des nombreux extraits qui se retrouvent en évidence dans les dossiers de presse des éditeurs de toute la francophonie, voire sur des quatrièmes de couverture, il est clair que nos critiques, avec l’infatigable Norbert en tête de peloton, accomplissent un travail tout aussi professionnel que rigoureux.
Est-ce à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes ? Eh non ! Car malgré la pertinence de notre volet critique, à l’exception d’Alire et de Libre Expression, deux éditeurs qui n’ont jamais hésité à promouvoir l’excellence de leurs auteurs en nos pages, bien peu de maisons publiant de la littérature policière ont voulu s’exposer dans ce périodique que pourtant toutes considèrent comme essentiel. Autre élément qui nous rend quelque peu perplexes : le peu de fictions que nous recevons (à titre de comparaison, Solaris reçoit cinq fois plus de textes que nous). Attention : cela ne signifie pas que la rédaction manque de matériel pour étoffer ses sommaires, mais que : 1) il semble y avoir beaucoup moins d’auteurs en devenir dans le « milieu » polar que dans celui des littératures de l’imaginaire ; 2) la majorité des auteurs de polars établis privilégient la forme longue (le roman) à la forme courte.
Fort de ce constat, considérez que cette cinquante-septième livraison vous offre les exceptions qui confirment la règle puisque vous y trouverez des fictions de Maude Gosselin-Lord et Julie Marcil, deux auteures qui en sont à leurs premières publications, un habitué, Hugues Morin, qui incidemment était au sommaire du premier numéro de la revue, un transfuge des littératures de l’imaginaire, Alain Bergeron, qui n’en est pas à sa première nouvelle noire, sans oublier deux talentueux auteurs de romans policiers, Jean Charbonneau et François Leblanc.
Je vous ai déjà parlé des articles d’André et de Norbert, tout simplement passionnants ; quant au volet critique, s’il est moins volumineux qu’à l’habitude, manque de place oblige, il saura vous guider face à la quantité toujours impressionnante de nouveaux titres qui apparaissent sur les tablettes de nos libraires.
Et je n’ai plus d’espace sinon pour vous souhaiter une très bonne lecture !
Jean Pettigrew
pour la rédaction